La vie est en perpétuelle conversation avec nous et, dans le plus ordinaire, elle nous révèle les secrets de l'extraordinaire.
C'est ainsi qu'en observant l'encens brûler chez moi, celui-ci est venu m'enseigner. Face à moi, je contemple le bâton d'encens tel le corps de chair, planté et maintenu par son pied. La flamme qui l'embrase à son bout vient de s'éteindre par le souffle de l'air. La flamme de vie s'éteint et nous assistons ainsi au grand passage de la mort, l'âme-hors, l'âme-Or. Ce grand passage qui donne l'illusion d'une fin et pourtant où tout se révèle dans sa grandeur, dans son essence, dans son parfum divin. Dans un premier temps, le bâton d'encens se meurt pour se transformer en cendre, tel le corps qui revient à la poussière, à la terre. Et si j'élève mon regard, j'observe que quelque chose demeure, la fumée d'encens - dansant, la fumée danse, s'évapore, c'est l'âme qui demeure. L'être retrouve son essence première au-delà de la matière. La fumée se dissipe, disparaît et cependant un parfum enivrant embaume à présent toute la pièce. Ce n'est plus visible et pourtant plus que jamais, je le sens au plus profond de moi. Le parfum contenu dans le bâton d'encens révèle toute sa grandeur une fois envolé, une fois qu'il n'est plus visible. C'est tout un rappel essence-ciel qui a lieu en allumant son encens.
La mort n'est pas une fin, la mort est un passage. En côtoyant la mort, on s'ouvre à plus grand. Malgré la souffrance associée à celle-ci, comme la perte d'un être cher, elle nous apprend à aimer au-delà de ce qui est tangible. On apprend à aimer plus grand, puisque cet amour s'ouvre, se dilate au-delà du connu.
Pour illustrer d'avantage l'enseignement de l'encens voici un extrait du livre "Et la lumière fut" de Jacques Lusseyran :
"Jean apercevait sa mort, pas la mienne.[...] "Quand je serais parti,me dit-il, il ne faudra plus que tu penses à moi: cela te ferait du mal. D'ailleurs je serai avec toi beaucoup plus qu'avant. En toi. [...] Je ne te dis pas de ne plus penser à moi...mais il faudrait que tu penses à moi autrement. Je suis ce que je suis, mais une fois parti, je serais autre chose. On ne pense pas aux morts comme on pense aux vivants ; on n'a pas envers les morts les mêmes devoirs. Nous avons commencé ensemble à apprendre la vie et aussi le bonheur. Il faudrait que tu n'aies plus cela tout le temps dans la tête, mais que tu me mettes dans toutes les choses qui te rendront heureux. Chaque fois que tu trouveras quelque part un peu de joie, je serais là... comprends tu ? Ne jamais pleurer sur moi: ce serait trop bête, et j'ai trop horreur de ce qui rend triste. Promets-moi...de m'aimer, non pas à travers ton souvenir, mais à travers ceux que tu aimeras."
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