Le cadeau de la dépression
Il peut être difficile de lire et d'associer ces deux mots ensemble :
"cadeau" et "dépression".
Pourtant, oh combien ce qui semble être un fardeau, voire une condamnation, peut être une bénédiction.
Lorsqu'on vit cette expérience dans la chair, il est difficile sur le moment d'en percevoir la saveur, mais le temps fait son œuvre et peu à peu éclaire pour nous ce passage.
Actuellement, nous n'entendons personne nous dire :
"Ah, c'est une bonne chose" lorsqu'on explique vivre cet état ; néanmoins, c'est aussi ce que l'on aurait besoin d'entendre sur le moment.
Nous sommes dans une société qui a tout intérêt à garder les êtres à la surface : à la surface des choses, des grands principes, de la vérité et surtout d'eux-mêmes.
Il est intéressant de voir à quel point tout ce qui se trouve en profondeur a été diabolisé. D'un point de vue de la matière, dès qu'on parle des profondeurs marines ou terrestres, cela incite à une réaction de peur face à cet inconnu. Cette peur est ensuite instrumentalisée par le mental, qui y projette la personnification de ses propres monstres. Ce n'est pas un hasard si, dès que la terre s'ouvre en un trou béant vers les profondeurs, celui-ci est systématiquement associé au diable, à l'enfer.
Il y a un intérêt pour certaines personnes, ou plutôt certaines énergies, pour que vous restiez dans l'illusion de la surface et craigniez plus que tout la rencontre des profondeurs.
C'est en cela que la dépression est diabolisée dans notre société et que l'inconscient collectif renforce la lourdeur, la peur et la noirceur de cette expérience.
Étymologiquement, la « dépression », du latin "depressio", signifie "enfoncement".
La dépression traduit un mouvement, qui est à la fois physique, comme en géologie, où l'on parle d'un enfoncement de la surface terrestre, et à la fois psychique, caractérisé par des baisses d'humeur accompagnées de plusieurs autres symptômes.
La dépression est donc un mouvement qui nous invite, ou plutôt nous oblige, à passer de la surface à l'enfoncement, à la descente en soi.
Et ça, personne ne nous y prépare, et encore moins nos sociétés où tout se construit, se développe à la surface, à la surface de soi, dans une projection incessante du moi vers l'extérieur.
Le cadeau de l'état dépressif, c'est ce STOP qui s'impose à nous dans cette course effrénée hors de nous-mêmes, artificielle.
Un cadeau, qui se traduit par le présent ; le présent à soi, car nous n'avons plus le choix que d'enfin nous écouter, d'écouter et d'être attentif à la présence de ce qui est, au lieu du faire et de l'avoir.
Cet état d'enfoncement en soi nous est imposé, car tout ce qui nous relie à l'extérieur se court-circuite pour nous obliger à descendre en nous-mêmes, dans cette cave obscure. Et dans cet espace, y trouver les plombs pour rallumer la lumière.
L'expression "les plombs ont sauté" indique que le disjoncteur a coupé le courant dans le circuit.
C'est exactement cela, la dépression : on nous coupe du courant de ce qui nous alimentait depuis l'extérieur.
Et ce plomb, on le retrouve dans l'initiation alchimique ; on va chercher le plomb pour le transmuter en or.
Comme ici, aller chercher les plombs pour relancer la lumière.
La dépression est une réaction à un processus alchimique en cours, essentiel pour le grand réveil et la reconnexion à notre essence même.
C'est un état passager, mais qui peut devenir permanent et difficile si on commence à lui résister, à le contenir, à l'éviter ou encore à le combattre comme un ennemi.
C'est cette résistance à ce qui est, à ce présent, qui renforce l'état dépressif.
Une partie de cette résistance et de cette souffrance vient en grande partie de l'attachement et de la dépendance aux facteurs extérieurs.
En effet, c'est comme si nos liens avec le monde extérieur se coupaient : perte des sens physiques, perte d'appétit, perte de l'entourage, perte de l'envie et du plaisir.
Tous ces mouvements ne sont plus dirigés vers les autres ou le monde, mais s'inversent pour nous ramener en nous-mêmes, dans cet espace qui, jusque-là, était encore inexploré.
C'est ce bouleversement de l'ordre établi qui fait peur et invite à des sensations bouleversantes.
Si on résiste en comparant, en forçant le maintien de ces liens qui nous ramènent à la surface de nous-mêmes, alors c'est comme s'épuiser à nager à contre-courant du mouvement de la vie et donc il y a souffrance.
Mais si j'accepte le grand plongeon, alors avec la présence à soi et le temps, c'est tout un monde qui va se révéler.
C'est un trésor si précieux que toutes les personnes qui ont vécu cette expérience et fait cette découverte se sont vues transformées à jamais.
Ou plutôt, c'est comme si elles s'étaient enfin retrouvées pour toujours.
Tout ce qui n'a plus lieu, ne nous nourrit plus depuis l'extérieur, se révèle en notre essence intérieurement.
C'est la reconnaissance que la source de toute chose se trouve en nous, et que nous sommes le créateur de nos propres ressources.
La dépression est le cadeau, le passage que Dieu nous offre pour enfin nous retrouver, retrouver cette présence divine dans nos profondeurs.
C'est le cadeau du grand retournement, le retour à la maison, en notre palais, et la reconnaissance que nous sommes le souverain de notre royaume.
Bénis soient les états dépressifs, car ils sont une des clés des grandes transformations alchimiques internes et terrestres actuelles.
Jade Rosenbaum
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